Au cours des e-virtuoses qui ont eu lieu les 23 et 24 mai à Valenciennes, un focus a été fait sur le serious game au travers d’un colloque scientifique. Chercheurs du monde entier (Australie, Etats-Unis, Grande Bretagne…) se sont regroupés sur cet événement pour s’interroger de manière scientifique sur l’évaluation et la mesure de l’impact du Serious game.
MANIFESTATIONS
MANIFESTATIONSLes clés de la réussite d’un Serious Game par Julian Alvarez
ParEric FourcaudArticle du 29 mai 2012
En effet, le serious game (jeu sérieux) s’est beaucoup développé pour être utilisé en matière de formation, d’éducation, de thérapie, de prévention et d’entraînement.
Julian Alvarez, Responsable Recherche Jeux vidéo à la CCI Grand Hainaut et chercheur en sciences de l’information et communication en TIC, nous dresse un état des lieux. Où en est-on actuellement et avons-nous des retours sur les usages ?
Depuis plusieurs mois, le serious game a la «cote» et on entend partout «le serious game, c’est bien !» Mais peu d’études peuvent argumenter sur ce simple constat. C’est pourquoi, il est maintenant nécessaire d’envisager des recherches sérieuses sur la question et la mise en place de protocoles.
«Le serious game ne peut pas être posé comme un objet dans une école ou dans une entreprise ; il faut faire en sorte qu’il y ait des accompagnements (…), pour que les gens adoptent le produit»
En travaillant à mettre en place ces accompagnements dans le Nord Pas de Calais, Julian Alvarez et son équipe se sont aperçus qu’il y avait plusieurs typologies :
– l’accompagnement à l’innovation technologique
– l’accompagnement pour faire un serious game (expertise, game design, ingéniérie pédagogique multimédia…)
– l’accompagnement pour utiliser le serious game
Cette notion d’accompagnement est très importante. D’ailleurs, Julian Alvarez souligne qu’en général les serious game qui ne fonctionnent pas, sont souvent ceux qui sont utilisés seuls. Il ajoute que pour mettre toutes les chances pour qu’un serious game «marche», il faut être au minimum deux, «parce que pendant qu’une personne joue, l’autre peut prendre un peu de recul et faire ses remarques à la fin du jeu, ça va permettre de faire de la distanciation».
D’autre part, il met en avant le phénomène du paradoxe. Il prend l’exemple d’un jeu mettant en avant les effets négatifs qu’une chaîne de fastfood a sur la planète. «Les étudiants ont joué toute la matinée et une fois que midi a sonné et qu’ils avaient faim, ils se sont rués pour manger dans cet enseigne». Julian Alvatez nous explique au travers de cet exemple qu’il y a donc des types d’accompagnement à mettre en place qui sont ceux que les marques ont choisi pour mettre en avant leur logo.
De même dans le milieu médical, des patients qui jouent vont peut-être réussir dans le jeu mais ne vont pas savoir l’utiliser au quotidien. C’est ce qu’on appelle le phénomène de «transfert». Là encore, c’est l’accompagnement qui va être important pour éviter ce «game over».
«Nous sommes encore dans le leurre que le serious game est l’objet magique qui va permettre de tout faire».
Il semblerait selon certaines études que le serious game a la capacité de nous faire retrouver «la mémoire». Un atout donc non négligeable qui supposerait qu’en plus d’apprendre, le jeu permettrait de réutiliser des connaissances déjà acquises et qui refont surface en jouant.
Le serious game est un outil pédagogique parmi d’autres. Il ne peut se suffire à lui-même et surtout ne peut être utilisé seul sans accompagnement, si on veut en retirer un quelconque bénéfice. La notion de distanciation, comme prévoir un «débriefing» après une séance de jeu est essentielle.
La difficulté, d’après Julian Alvarez, est que le serious game se suffit à lui-même. Le joueur qui a pris du plaisir, est satisfait et ne va pas chercher plus loin. «Ce n’est pas pour autant que la personne aura appris quelque chose si elle ne se pose pas la question de savoir ce qu’elle a appris».
Pas de révolution «numérique» avec le serious game, pourtant annoncé comme l’outil révolutionnaire dans les entreprises pour former les salariés. Il comporte certes de nombreux atouts, à condition de bien l’utiliser dans un contexte pédagogique.
Cela vous rappelle quelque chose ? Ne serait-ce pas la clé de la réussite de tout outil numérique ?
A travers cette problématique du jeu, il semble qu’on se rapproche de près du débat qui touche l’éducation sur le foisonnement de matériel à l’Ecole et de la formation des enseignants aux usages de ces nouveaux outils.