Sous la direction de Jonathan Lessard et Carl Therrien, la revue Sciences du jeu lance un appel à textes pour un numéro spécial dédié à la thématique :
Certains joueurs passent leur vie à s’adonner aux mêmes jeux, approfondissant leur connaissance de ces systèmes, développant de nouvelles stratégies et augmentant leur maîtrise technique. Une vie suffit-elle pour des jeux tels que les échecs, le bridge ou le tennis ? Pourtant l’histoire laisse penser que les joueurs n’ont pas attendu la commercialisation des jeux vidéo et de société pour être avides de changement et de nouveauté. Bien que relativement peu documentée compte tenu de son importance culturelle, l’histoire des jeux révèle un monde très dynamique. Les règles des jeux sont sans cesse révisées, de nouvelles variantes apparaissent constamment et même, plus rarement, de nouvelles formes. À l’instar d’autres formes culturelles, la popularité relative des différents jeux (ou catégories de jeu) fluctue au gré des modes.
L’une des questions de cet appel de communications porte sur les catalyseurs de l’évolution des jeux au cours de l’histoire : pourquoi faut-il sans cesse changer les jeux et en inventer de nouveaux ? L’érudit français des jeux, Pierre Berloquin, envisage leur histoire comme une lutte constante menée par les joueurs contre les jeux, ceux-ci défrichant partie par partie leur champ d’incertitude (1970, p.8). Compte tenu du rythme rapide d’évolution des jeux (au sens où ceux-ci sont sans cesses révisés, améliorés, transformés), l’épuisement de leur mystère n’est certainement pas le seul moteur à l’innovation. Des facteurs externes à l’activité de jouer interviennent également. Le choix d’un jeu participe souvent d’un enjeu identitaire : telle nouvelle génération voulant se dissocier des jeux de « papa » ou les élites développant des jeux aux conventions sophistiquées permettant de garder le commun à l’écart. On peut également penser aux travaux de Norbert Elias liant l’évolution des pratiques ludiques et sportives aux transformations sociales concernant notamment la monopolisation de la violence (1976, 1986). Finalement, si la technologie est un facteur d’évolution évident dans le cas du jeu vidéo, elle joue également un rôle non négligeable dans l’histoire pré-numérique des jeux. Les cartes à jouer procèdent, entre autres, de l’invention du papier et de l’impression en Chine. Plus récemment, la vulcanisation du caoutchouc a changé le tennis pour toujours. Pourtant, bien que la technologie ouvre des possibilités, elle n’explique pas en soi la nature des évolutions ludiques.
Un autre volet de cette problématique est celui de l’évolution du design de jeu et des mécanismes qui orientent cette pratique évolutive : en fonction de quels principes les systèmes de jeu évoluent-ils ? Cette question est au cœur du problème de l’innovation qui tourmente tant l’industrie du jeu vidéo contemporaine : comment aller au-delà des « remakes » ? Comment générer de nouvelles idées de jeu ? L’historien du Tarot Michael Dummett observe que les jeux de cartes évoluent par l’intégration de caractéristiques d’autres jeux et que l’apparition de nouvelles caractéristiques est un événement très rare (1980, p. 173). Il remarque qu’une éventuelle histoire sérieuse des jeux de carte ne devrait (nous traduisons) « se concentrer non pas sur l’évolution détaillée, la diffusion et le destin de jeux individuels mais sur leurs idées constitutives ». Dummett évoque le terme de « ludème » pour désigner ces idées, un terme attribué à Berloquin qui a récemment refait surface (Koster 2005). Cette vision modulaire (ou moléculaire) des jeux revient fréquemment dans le discours des designers et des chercheurs sous divers termes : « principes », « éléments », « briques » (Alvarez et Djaouti 2008), « design patterns » (Bjork et Holopainen), etc. Peu se sont cependant intéressés aux mécanismes qui régissent l’émergence et la reconfiguration de ces ludèmes dans le temps, ni aux acteurs de ces changements.
Ce qui nous amène au dernier volet de cet appel, les agents de l’évolution des jeux : qui contribue activement à l’évolution des jeux et dans quel contexte ? Compte tenu de l’importance culturelle majeure des jeux, il est étonnant de constater que nous ne savons que très peu de choses sur les concepteurs de jeux et la façon dont cette pratique évolue dans le temps, de l’époque des jeux que l’on pourrait qualifier de folkloriques jusqu’à la professionnalisation récente de la pratique. L’histoire de l’usage du titre de « game designer », par exemple, est encore à écrire.
En bref, cet appel invite tout travail se penchant sur la transformation des jeux dans le temps.
La réponse à cet appel se fait en deux temps.
Dans un premier temps, les auteur-e-s désirant répondre à cet appel peuvent envoyer aux responsables du dossier une proposition n’excédant pas 5000 signes. Les responsables du dossier leur répondront quant à l’adéquation de celle-ci au projet.
Dans un deuxième temps, qu’ils-elles aient ou non soumis une proposition préalable, les auteur-e-s envoient leur article ainsi que les éléments demandés en fichier joint (le nom du fichier est le nom de l’auteur-e) au format .rtf ou .doc.
Ce fichier est composé des éléments suivants :
Ces documents sont envoyés par courrier électronique à J. Lessard (jonathan.lessard@concordia.ca) et C. Therrien (carl.therrien@gmail.com), pour le 15 février 2015 au plus tard.
19- 31 octobre 2014 : date limite pour soumettre une proposition
20- 15 novembre 2014 : retour sur les résumés
21- 15 février 2015 : date limite de réception des articles
22- 15 mai 2015 : avis aux auteurs des propositions après expertise en double aveugle
23- 30 juin 2015 : date limite de remise des articles définitifs
24- Automne 2015 : sortie du numéro
Lire l'intégralité de l'appel à communication sur le site officiel de la revue.